« Même si la population française est du côté de ses agriculteurs, certains politiques sont de véritables girouettes. Lorsque nous sommes dans la rue, l’opinion publique nous soutient et tout le monde nous fait des propositions pour améliorer l’état de l’agriculture. Cependant, dès que nous rentrons dans nos fermes et que la pression retombe, les écologistes et les associations environnementales reprennent le dessus en imposant leurs diktats aux députés. Nous nous retrouvons avec des amendements qui ne sont pas du tout en notre faveur dans les propositions de loi.
Certaines personnes veulent assouvir leur soif environnementale mais ne se soucient pas de prendre l’avion pour passer des vacances et des week-ends prolongés pendant que nous sommes au travail. Ce sont également elles qui font appel aux géants de l’e-commerce pour faire traverser les océans à des milliers de colis afin de satisfaire leur besoin de consommation. Cette situation est crispante et la succession de quatre gouvernements en si peu de mois ne nous a pas aidés.
Notre agriculture est en danger de mort
Ce n’est pas évident d’avoir le bon argumentaire face aux gens dont le but est de construire une France sans produits phytosanitaires pour se targuer d’avoir un environnement sans pesticides, sans engrais, alors que les priorités ne sont pas les mêmes ailleurs. C’est bien beau de dire qu’on a la meilleure agriculture au monde grâce à toutes les normes, mais il y a quelques années, la France était parmi les plus grandes puissances agroalimentaires, alors qu’actuellement, sa balance commerciale dans ce domaine ne cesse de se dégrader. Nourrir les hommes est devenu un enjeu géopolitique. La Russie et les États-Unis se servent de leur agriculture comme faire-valoir commercial et diplomatique pour peser à l’international. Nous ne pouvons plus prétendre à cela car notre agriculture est de moins en moins exportatrice. C’est devenu un enjeu mineur pour nos politiques. Il est temps de se remobiliser pour montrer l’exaspération des agriculteurs. La société ne parle pas suffisamment du mal-être dans notre métier. Notre agriculture française est en danger de mort. Nous ne pouvons nous taire.*
Nous sommes la seule profession où nous ne maîtrisons pas nos marges. D’une part, nous nous retrouvons avec des charges énormes dues à l’explosion des matières premières. Le matériel a connu une augmentation monumentale ces dernières années. D’autre part, même si nous maîtrisons nos coûts de production et que nous avons de bons rendements, si le prix du marché mondial est divisé par deux, nous ne pouvons rien faire d’autre que de vendre à perte et de faire des prêts de trésorerie. Les agriculteurs se retrouvent pieds et poings liés avec leurs banques ou autres organismes. On nous demande d’être à la fois agriculteur, juriste, comptable, fiscaliste, secrétaire, etc. Même pour une tête bien faite, cela devient compliqué. Nous devons faire appel à de multiples organismes et ce n’est pas évident de synthétiser tous ces nouveaux dispositifs. La plupart des agriculteurs sont honnêtes et veulent bien faire. Notre but est de nourrir la population, pas de polluer. »
*Pour des raisons techniques, cet édito a été écrit à la veille de la mobilisation autour de la loi Entraves.