“Les problèmes de trésorerie inquiètent tout le monde en ce moment. Nous nous posons la question de savoir si nos fermes vont tenir le coup parce qu’à ce rythme là, nous n’allons pas tenir plus de deux ans. En l’état, notre métier est-il durable ? Il n’a plus rien à voir avec ce que j’ai connu lors de mon installation. Il y a vingt ans, nous avions des mauvaises années, mais avant ou après, nous avions toujours une bonne année pour compenser. Les complications s’enchaînent depuis 2016. Cette année est d’autant plus frustrante que nous avons bien travaillé, avec, en moyenne, de plutôt bons rendements. Pourtant, nous sommes totalement dépendants des cours mondiaux.
Plusieurs questions se posent. Que va devenir la ferme à long terme ? Quel changement effectuer rapidement pour inverser cette spirale négative à court terme ? Personnellement, j’ai déjà fait beaucoup de choses : ma main-d’œuvre est en groupement d’employeurs, j’ai déjà commencé à diversifier — peut-être pas suffisamment —, une bonne partie du matériel est en Cuma. Je vais sûrement arrêter les investissements dans le compost qui n’ont pas d’incidence directe sur la production à court terme, même si cela pourrait être dommageable à moyen ou long terme.
Au-delà des problématiques à l’échelle de la ferme, les mauvaises nouvelles se multiplient sur le plan politique. Après les accords du Mercosur, les négociations de la réforme de la PAC 2028-2034, la taxe carbone sur les engrais d’importations est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ajouter une taxe sur des engrais déjà chers alors que nos céréales ne valent rien, c’est déconcertant. Les effets s’en font déjà sentir depuis plusieurs semaines en anticipation puisque les engrais azotés ont augmenté de 20 % depuis trois semaines. Pourquoi continuer à produire ? Depuis que je suis installé, je n’ai jamais connu une situation aussi préoccupante.
Pour ma part, la seule petite lueur d’espoir réside dans l’élevage ovin. L’association Les Bergers d’Île-de-France se bat pour trouver des débouchés rémunérateurs pour les carcasses d’agneaux estampillées franciliennes. D’ailleurs, une section ovine de l’organisation de producteurs Elvea (éleveur et acheteur associés) est en train de voir le jour. Est-ce que ça va durer ? C’est toujours la même question, mais au moins nous avons espoir en l’avenir de l’élevage.”