« Une Pac déconnectée du terrain »

Agriculteur à Montfort (Yvelines), David Lavenant est président du syndicat local de Montfort et administrateur de la FDSEA Île-de-France. 

« À l’heure où les premiers semis de blé et d’orge vont commencer et que les colzas sont bien implantés, les traits de la nouvelle Pac ne sont pas tous encore finalisés. Bien des questions levées lors des dernières réunions d’information de cette réforme restent sans réponse. 

Faudra-t-il une énième fois changer ses assolements pour se caler avec la réglementation ? Nul ne le sait pour le moment et je mets un billet qu’à la veille de la déclaration, certains seront amenés à retourner des cultures pour être en conformité. Une chose est sûre, c’est que l’agronomie et le bon sens paysan ne régissent plus l’agriculture ; c’est maintenant l’administratif et la technocratie qui dictent le métier. 

On nous annonce le grand retour des jachères, puis d’un seul coup non ! Il faut les cultiver pour pallier un éventuel manque lié à la guerre en Ukraine. Pour la récolte 2023, cultivez-les, on ne sait jamais ! En revanche, après, vous referez jusqu’à 4 % de jachères. Pourquoi ? Pour faire plaisir à une idéologie écologique qui trouve que ne pas cultiver les terres est la solution à la faim dans le monde. Mais on ne va pas vous le présenter comme cela, on vous dira que c’est pour reposer les terres et que c’est agronomiquement bon. La jachère n’a jamais été une solution. 

Ensuite le labour ! On ira presque jusqu’à vous l’interdire à mots cachés. Prétendument une hérésie agronomique tout en oubliant que c’est le désherbant le plus écologique. Mais le pire, c’est qu’une partie du monde agricole en est convaincue et emmène avec elle l’administration. À un tel point que le glyphosate n’est plus autorisé sur labour : glyphosate et labour, l’éternel divorce ! 

Enfin, les éco-régimes nous imposent des cultures comme les pois et féveroles qui, par endroits, ne peuvent plus être cultivées, faute aux pigeons, aux maladies et aux insectes. On nous retire tous les moyens à notre disposition pour protéger ces cultures et aujourd’hui on s’aperçoit qu’elles manquent. 

Quand vous aurez, au bout de quelques soirées à tête reposée, réussi à déchiffrer cet abracadabrantesque imbroglio réglementaire qu’est cette nouvelle réforme de la Pac, alors peut-être dormirez-vous tranquille en ayant la conviction d’avoir enfin réussi à établir votre assolement. Et le lendemain matin, en calquant votre » assolement administratif « au terrain, vous vous rendrez compte que votre parcelle d’orge, qui sera obligatoirement semée au printemps, sera en terre très séchante et que vos pois seront entourés de bois (réservoir à pigeons). Tout sera à refaire ! 

Quand bien même vous y arriverez enfin, alors une BCAE bien cachée, aidée par un satellite qui prend une photo de votre exploitation chaque jour, vous fera sauter les aides lors d’un contrôle Pac. 

Bon courage. »