« Agriculteur, jusqu’à quand ? »

Agriculteur à Boissy-sans-Avoir (Yvelines), Jérôme Corby est membre du bureau de la FDSEA Ile-de-France.

 

« Pour la première fois de ma vie professionnelle, je suis vraiment très inquiet pour l’avenir. Je vois autour de moi de plus en plus d’exploitants qui sont obligés de demander des avances sur récoltes ou des ouvertures de crédit, y compris pour des exploitations qui tenaient la route jusqu’à présent. On nous avait prédit un effet ciseau pour cette année : nous sommes en plein dedans. Avec le cours actuel des céréales, il devient difficile de couvrir nos coûts de production. Ceux qui ont des revenus issus d’autres activités que l’agriculture parviennent à s’en sortir. Pour les autres, c’est très compliqué. On se demande en permanence si les banques vont continuer à nous suivre. J’ai 55 ans, je vais avoir fini de payer la reprise de ma ferme dans trois ans. J’aurais payé toute ma vie. Cette situation qui est celle de nombreux agriculteurs fait partie des raisons de la colère actuelle. Aujourd’hui, on parle de la nécessité de faciliter les transmissions, notamment hors cadre agricole. Je trouve cela très bien, mais encore faut-il pouvoir le faire. Pour ma part, j’ai la chance d’avoir des enfants qui pourraient être intéressés par une reprise, mais pour la première fois, je me demande si cela sera possible. On ne peut pas transmettre une entreprise agricole qui n’est pas viable. Je ne sais même pas si je vais être en mesure d’aller jusqu’à ma retraite. Nous ne comptons pas nos heures, mais la rentabilité n’est pas au rendez-vous. Sans compter que notre profession est montrée du doigt. Parfois, nous n’osons plus dire ce que l’on fait comme travail de peur d’être pris à partie. L’agriculture est un métier à part entière, que nous voulons exercer dignement, ce n’est pas un support à l’écologie. Faisons donc en sorte non seulement de garder nos jeunes dans le métier, mais encore que des exploitants qui atteignent la cinquantaine puissent aller jusqu’au bout. Nous sommes attachés viscéralement à nos terres, à nos murs. Nous n’entendons pas travailler toute notre vie pour rien. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, syndiqués ou non, il faut continuer à se mobiliser, à se battre pour défendre notre métier. C’est peut-être notre dernière chance.»