« »Papa, ce sera quoi le métier dans dix ans ? » Après avoir obtenu un bac agricole, mon fils semble bien moins enclin à poursuivre ses études dans ce domaine. Est-ce le signe d’un désintérêt ou une preuve de maturité qui le pousse à voir d’autres choses avant de s’installer et de s’approprier la façon de travailler ?
Ni doute, ni inquiétude, il fera bien ce qu’il veut, mais ça m’interroge. Au-delà de la fierté de faire notre métier, comment convaincre la génération suivante lorsqu’on doit se battre quotidiennement pour à la fois maintenir notre outil de production, faire face à une fluctuation des cours à la baisse, à une politique agricole pénalisante et à un cadre réglementaire de plus en plus contraignant.
Je ne suis pas sûr des causes de ce changement. Mais comment faire rêver les gosses quand on est soi-même plein d’interrogations ? Sur ce point, mon attitude est de l’intéresser à mes projets, qui, au demeurant, ne sont pas exempts de doutes.
Les projections laissent à penser que notre futur modèle économique pourrait s’appuyer sur trois leviers : la production d’aliments, notre action environnementale, la production d’énergie. Je ne suis pas sûr que cela fasse l’unanimité.
Avant de se projeter, il faudrait déjà nous laisser continuer à assurer une alimentation saine et à contribuer à notre souveraineté alimentaire. Notre participation à la production d’énergie ne se fera pas sans une orientation des politiques publiques de façon à ce qu’elles soient favorables aux projets agricoles ; avec les gardefous nécessaires pour éviter les dérives comme cela peut-être le cas dès que l’on aborde une question environnementale.
Comment comprendre qu’une partie des aides qui devait servir à la production agricole, sert désormais à la préservation de l’environnement que l’on respecte, à l’implantation de haies par exemple. Cela représente un coût pour l’exploitation qui n’est pas totalement remboursé. Pire, une partie de l’argent de ces aides est finalement accaparée par différents acteurs non agricoles.
Tout cela confirme notre rôle essentiel, tant sociétal qu’économique. Nous aurons, c’est certain, besoin d’un syndicalisme fort pour garantir la préservation des fondamentaux de notre métier.
Depuis toujours l’agriculture doit évoluer, voire se réinventer, aussi bien individuellement que collectivement. Soyons conscients des enjeux et unis dans notre défense du métier afin que chacun puisse demain faire toujours rêver son fils, sa fille ou tout autre successeur. »