« Jusqu’où ira la liberté de la presse ? », par Christophe Lerebour

Agriculteur à Gometz-la-Ville (Essonne), Christophe Lerebour est président de l’Union des syndicats de Saint-Arnoult/Dourdan et à ce titre, administrateur de la FDSEA Île-de-France.

Horizons : Que pensez-vous du reportage diffusé sur TF1 donnant l’agriculture pour responsable des dernières inondations ?

Christophe Lerebour : Le monde agricole est une nouvelle fois accusé de tous les maux de la terre. On accuse les agriculteurs d’être responsables des inondations car l’eau ne s’infiltrerait plus dans les champs. C’est une nouvelle manipulation de l’opinion publique et ce, quelques jours seulement après que la presse nous a déjà pointé du doigt lors du débat autour du glyphosate. Les médias ne cessent de trouver des sujets polémiques, sans aucune possibilité de droit de réponse pour nous. Ils interrogent des ayatollahs de l’écologie et sont prêts à tout pour faire peur aux citoyens. Or, sur tous ces sujets, nous sommes en mesure de prouver scientifiquement que les messages véhiculés sont faux. Sur le sujet des inondations, on oublie de dire que les bassins de rétention censés être vides pour faire tampon lors de crues sont déjà saturés avant qu’il pleuve car ils sont utilisés pour des activités de loisirs ou pour les biotopes… Et ça, personne n’en parle !

Pourquoi ne parvenez-vous pas à prendre la main sur cette communication et à véhiculer vos messages dans les médias ?

Nous y parvenons à certains moments comme lors de la manifestation du 19 décembre dernier, au Louvre, à Paris. Là, c’était un événement de communication au cours duquel les médias ont bien joué leur rôle et ont relayé correctement nos idées. Nous avons réussi à faire passer notre message. Mais quelques jours après, c’était reparti pour de nouvelles contre-vérités car je pense que nous n’avons pas la possibilité de nous faire entendre aussi régulièrement que nous le voudrions. Pour être efficace, il faudrait occuper la place médiatique tous les jours afin d’éviter que d’autres prennent la parole pour nous. Cela représente un temps considérable à consacrer à cette question et nous ne l’avons pas.

Avez-vous encore espoir d’y parvenir ?

Je ne suis pas certain car en réalité, les médias cherchent davantage à faire du sensationnel qu’à établir la vérité. J’ai très peur de l’impact que ces sujets ont et auront sur les agriculteurs. Cela fait trente ans que nous essayons de communiquer sur notre métier et nos pratiques, avec plus ou  moins d’habileté. Les médias ne semblent plus se satisfaire que de sujets polémiques, sensationnels, qui vont faire de l’audience, quitte à sacrifier la vérité. Je m’interroge vraiment sur la liberté de la presse. Jusqu’où ira-t-elle ? Il n’est pas question de la remettre en cause : on peut tout dire oui, mais à condition que cela soit la vérité et un vrai travail journalistique recherché. Il n’est plus un agriculteur autour de moi qui ne se fasse pas prendre à partie sur ces polémiques dans un repas de famille, à la sortie de l’école ou autres… Et ce dernier reportage de TF1 est la goutte d’eau qui fait déborder la Seine !

PROPOS RECUEILLIS PAR MARINE GUILLAUME