« L’adaptation au changement nécessite de donner du temps au temps »

INTERVIEW - Damien Greffin.

Agriculteur à Étampes (Essonne), Damien Greffin est président de la FRSEA et de la FDSEA Île-de-France. Il revient sur l'année traversée et dresse les perspectives des actions engagées.

Horizons : Que retenez-vous de cette année si particulière ?

Les trois éléments marquants sont bien évidemment la crise sanitaire que nous traversons, puis la sécheresse et la jaunisse, très certainement corrélées, qui ont impacté nos exploitations. La Covid-19 a tout d'abord obligé bon nombre d'agriculteurs à modifier leur mode de commercialisation. Si les travaux ont pu se poursuivre normalement, les efforts réalisés ont été très importants, les obligeant à s’adapter sans une véritable vision dans le temps. Dans cette situation bien particulière, la question alimentaire est revenue au centre de l’actualité, rappelant que ce besoin est essentiel et vital, redonnant à notre métier une force de reconnaissance, oubliée depuis de nombreuses années. La garantie d’une alimentation saine et de qualité est souvent rappelée quand elle n’existe plus, d’où nos actions pour faire entendre que se nourrir peut redevenir essentiel, même au sein de nos civilisations dites « modernes ». La sécheresse et la jaunisse ont quant à elles mis en exergue le fait qu'il faille une sécurisation de nos récoltes lorsqu'il y a des problèmes météorologiques ou sanitaires à la hauteur de ceux que nous venons de vivre. Dans un contexte de changement climatique, la réalité du terrain a démontré qu'il était indispensable de réintroduire les néonicotinoïdes pour sécuriser les campagnes à venir et que sans solutions techniques, il ne servait à rien de vouloir contraindre le monde agricole. À l'inverse, il faut donner du temps au temps et les agriculteurs doivent avoir le temps de s'adapter. De même, chacun d'entre eux doit pouvoir choisir ses orientations culturales, quelles soient biologiques ou conventionnelles, avec comme seul objectif, d'asseoir son revenu.

Sur le plan syndical, quel bilan faites-vous de l'année écoulée ?

Il me paraît nécessaire de conserver le contre-pouvoir syndical à travers de nouvelles formes d'action initiées par la crise sanitaire comme le lobbying fait auprès de nos parlementaires et/ ou nos actions de communication (dépôts sauvages) qui associent et fédèrent une multitude d’acteurs (élus, associations, citoyens…) en répondant à des attentes sociétales qui touchent tout le monde. C'est la preuve qu'une cohabitation entre agriculteurs et monde urbain est tout à fait possible et que nous sommes à même de faire corps sur bien d'autres sujets. La question de la souveraineté alimentaire est l'un d’eux. Les Français ont pu voir combien il était important en période de pandémie d'être maître de ses productions, de ses approvisionnements et de tout ce qui contribue à la qualité et à la sécurité sanitaire de notre alimentation depuis soixante-dix ans, cette alimentation que bon nombre de pays nous envient, qui s'adresse à tous les publics et à toutes les bourses.

Quels sont les chantiers du syndicat pour 2021 ?

Nous allons poursuivre nos actions de communication engagées sur les réseaux sociaux, dans la presse, auprès de nos parlementaires comme de nos contradicteurs, etc., afin de ramener au pragmatisme tous ceux qui sont tentés de déformer la réalité de ce que nous faisons, de ce que nous sommes, car il convient aujourd'hui d'arrêter la démagogie. Les chantiers sont nombreux avec déjà en ligne de mire pour ce début d’année « le plan pollinisateurs », qui ne doit pas se faire sans une véritable concertation et en laissant du temps au temps. Notre projet apicole montre bien les réalités de nos actions vers des pratiques culturales respectueuses de l’environnement. Mais en cette fin d'année, dans cette période à l'avenir incertain, il convient de faire une pause avant d'entamer la nouvelle année. Noël est l'occasion de pouvoir se retrouver en famille, de partager et d'échanger. Aussi, je tiens tout particulièrement à vous souhaiter d'excellentes fêtes.

PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENCE AUGEREAU