« Prévoir, anticiper et croire que cela est possible » 

Agriculteur à Étampes (Essonne), Damien Greffin est président de la FDSEA Île-de-France. 

« Tout agriculteur le sait. Chaque décision agricole sur son entreprise est un engagement pour plusieurs campagnes. C’est parfois un choix compliqué ou un pari. Dans le contexte actuel de crise énergétique, de tensions géopolitiques, de changement climatique, de doutes, les décisions peuvent être difficiles à prendre, c’est alors qu’il faut se risquer à en mesurer les enjeux. Le risque doit être mesuré, les investissements calculés avec l’objectif de donner à son outil de production les capacités à toujours mieux rémunérer le travail. Si nos parents ont fait des choix qui les ont engagés, certaines productions, à l’image de la production betteravière, étaient courageuses. La ténacité des premiers planteurs, accompagnés techniquement, a permis de créer toute une filière, que certains jugeaient trop risquée financièrement. Les différentes réformes et les négociations à l’Organisation mondiale du commerce ont réduit l’attractivité pour cette culture, notamment avec la suppression des quotas, mais la mobilisation de toute la filière industrielle assure à cette production une place encore très importante dans notre région. Cette plante s’est imposée dans beaucoup de nos assolements. Depuis quelques années, les contraintes culturales, mais aussi des prix en baisse, font que nombre d’entre nous doutent de la pérennité de cette production. Il est légitime de s’interroger, comme il est nécessaire de rappeler que la betterave n’est pas la seule à nous donner des sueurs froides. Les cultures de protéagineux sont confrontées aux dégâts de pigeons, les plantes à fleurs se voient imposer des contraintes drastiques en matière de lutte contre les ravageurs, et nos cultures céréalières sont de plus en plus envahies par les adventices résistantes. Continuer à produire, mais à l’appui des évolutions techniques et scientifiques, est une obligation morale pour garantir notre souveraineté alimentaire. Si les visions économiques à court terme nous semblent parfois insurmontables, la conduite de nos exploitations nous oblige à regarder plus loin, évitant des décisions qui pourraient être trop hâtives. Nous sommes au départ d’une chaîne de la production à la transformation, où chaque maillon doit remplir son rôle. Chaque filière est un tout et tous les outils créés par la profession sont finalement interdépendants, d’un bout à l’autre. Si un maillon vient à s’affaiblir, c’est toute la chaîne qui peut être en danger. Il ne s’agit pas là de faire l’autruche, mais prévoir, anticiper et croire que cela est possible a toujours été la force des agriculteurs. C’est le bon sens qui plus que jamais doit guider nos décisions. »