« Pac et retour de la jachère : transformer cette contrainte en atout en semant des cultures mellifères » 

Agriculteur à Auvernaux (Essonne), Nicolas Galpin est secrétaire général adjoint de la FDSEA et président de la commission apicole. 

Horizons : Vous sortez tout juste d’une période intense de travaux dans les champs, dans quel état d’esprit êtes-vous ? 

Nicolas Galpin : Les travaux d’automne ont en effet été intenses cette année en raison d’un climat doux qui nous a obligés à être très attentifs sur la protection de nos cultures notamment. Nous avons aussi quelques inquiétudes sur le développement avancé du colza. 

Plus largement, je suis désemparé face aux actions de défiance menées contre le monde agricole ces derniers mois. Le train que l’on arrête sur les voies avant de vider les céréales au sol, les étudiants d’AgroParisTech qui vilipendent leur formation et nos métiers, et dernièrement des activistes qui s’en prennent à nos collègues des Deux-Sèvres et leur projet de retenue d’eau. Il est urgent que notre société se rende compte que les supermarchés ne se remplissent pas tout seul et qu’il y a des hommes et des femmes qui se démènent au quotidien pour nourrir la population et assurer autant que faire se peut notre indépendance alimentaire. Nous faisons de notre mieux, avec des techniques et des technologies qui évoluent à grande vitesse et il serait grand temps que cela soit reconnu et valorisé. 

Vous produisez plusieurs dizaines d’hectares de betteraves chaque année. Quel est votre regard sur la conjoncture de cette filière ? 

Longtemps la betterave a été la culture phare d’un point de vue technique et économique sur mon exploitation mais aussi pour bien d’autres collègues. Pour être honnête, je suis aujourd’hui inquiet sur l’avenir de la filière. Depuis 2016, je n’ai pas eu une seule année avec des rendements et des prix corrects, je n’ai pas gagné d’argent avec la betterave, j’en ai même perdu certaines années. Les industriels promettent cette année un prix en hausse mais à mon avis, malheureusement, la baisse des surfaces est inéluctable tant les difficultés sont nombreuses et décourageantes : nous n’avons pas de solution suffisante pour la cercosporiose, la problématique des néonicotinoïdes se reposera après 2023, le désherbage est complexe et nous déplorons l’arrivée progressive d’un nouvel insecte, le charançon Lixus juncii, que l’on ne maîtrise pas. À titre personnel, j’ai pris la décision ces deux dernières campagnes de réduire mes surfaces de betteraves. C’est une décision complexe à prendre car il faut garder à l’esprit la nécessité de conserver les outils industriels si nous ne voulons pas voir s’écrouler toute une filière. 

Une commission apicole a eu lieu la semaine dernière (lire ci-contre), comment abordez-vous ce travail autour de l’abeille ? 

Je suis convaincu que l’agriculture et l’apiculture peuvent et doivent cohabiter, échanger et entretenir des liens étroits. C’est d’ailleurs cette envie de communication positive qui m’a amené à mettre les pieds dans l’apiculture il y a quelques années. Nous menons des travaux autour du déploiement des balances connectées, la mise en place de nouveaux ruchers référents, l’importance des traitements contre le varroa, la protection des colonies face aux frelons asiatiques… La récente création de l’Association pour le développement de l’apiculture (ADA) Île-de-France va permettre à la filière de se structurer et de se professionnaliser encore davantage. 

Nous savons tous que la prochaine Pac va conduire au retour de la jachère. J’invite le monde agricole à transformer cette contrainte en atout en semant des cultures mellifères qui apporteront un bol alimentaire considérable à nos abeilles. Certes, cela a un coût mais il faut considérer l’image positive et apaisante qui serait véhiculée à grande échelle pour la société, ainsi que le service rendu. Dans les difficultés de l’abeille, nous avons notre part de responsabilité à travers le bol alimentaire disponible.