« Dégâts de gibier : la vigilance est plus que jamais de rigueur »

Agriculteur à Magny-en-Vexin (Val-d’Oise), Gilles Maigniel est président de la commission Dégâts de gibier. 

« L’impression générale de la saison 2021-2022 faisait espérer une diminution des surfaces détruites. Il n’en est rien, au contraire. Les dégâts ont augmenté pour atteindre un niveau de 960 hectares. L’étude du comportement des sangliers révèle deux causes principales. Les fortes chaleurs de l’été ont contenu les animaux en forêt, les compagnies délaissant leur refuge habituel pour rejoindre des zones humides. De ce fait, les possibilités de chasser en tir d’été et autour des parcelles en cours de récolte ont donné un résultat très moyen, les sangliers attendant la nuit pour sortir. La deuxième explication consiste à analyser la dynamique des populations les années à très fortes glandées suivies d’un hiver très doux. 

À ce propos, une étude très sérieuse de Jean-Claude Houssard a abouti à la constatation suivante : en partant d’une population de 10 laies au mois de décembre, nous arrivons au mois d’octobre de l’année suivante au nombre de 40 laies et 150 marcassins. Les bonnes, voire très bonnes glandées se succèdent depuis 2019. Les hivers sont doux et je considère que la situation est — si la communauté cynégétique ne s’adapte pas — hors de contrôle ! 

L’État, cette année, est venu financièrement en aide aux Fédérations de chasseurs en prenant en charge l’augmentation très élevée des prix des denrées. Pour rappel, le blé a été indemnisé 32,50 euros/quintal, le colza 62,30 euros/quintal et le maïs 30 euros/quintal par la Fédération des chasseurs d’Île-de-France (Ficif). Il ne faudrait pas que certains chasseurs interprètent ce coup de main des autorités comme une possibilité de continuer la gestion désastreuse de leur territoire. C’est un risque. 

Au niveau des prélèvements, là aussi l’année est atypique. Trop peu de sangliers ont été tués en octobre-novembre, beaucoup de chasseurs ne trouvaient pas les compagnies au point d’en nier l’existence. En réalité, les suidés étaient réfugiés dans des lieux incongrus : en bordure des habitations, des friches industrielles, en parcelles boisées non chassées… Cette espèce a toujours une longueur d’avance sur l’homme. Je suis navré de constater que la science de l’observation se perd. 

Les prélèvements de janvier et février sont élevés. Alors que nous nous rapprochons de la fin de la saison de chasse, c’est le contraire qui aurait dû se passer. L’année 2023 va être explosive et les DDT doivent nous donner les moyens d’activer tous les modes de chasse en destruction : prolongation de chasse en mars, tir de nuit avec lunettes thermiques ou projecteurs, tir autour des parcelles pendant la récolte, broyage des engrais verts et piégeage. Tous ces outils sont utilisés avec succès en Alsace-Lorraine, c’est devenu un mode de chasse à part entière. Prochainement, les sangliers vont s’installer dans les colzas. Pensez à les chasser avant fin mars. 

Concernant les pigeons, corbeaux freux et corneilles dont le montant des dégâts dépasse celui occasionné par le grand gibier, une application smartphone va vous être présentée dans les semaines qui viennent. Emparez-vous de cet outil sans tarder. La synthèse des résultats nous sera indispensable pour obtenir le classement Esod* permettant les tirs en mode destruction. Le retour des cultures de protéagineux imposé par la Pac 2023 nécessite que l’on mette à disposition nos parcelles à un maximum de chasseurs. 

Je terminerai mon propos par trois recommandations : pensez à prévenir la Ficif dès l’observation des premiers dégâts de grand gibier ; facilitez la mission des louvetiers qui sont les seuls autorisés à tuer des sangliers en avril-mai ; la Ficif doit contrôler l’expansion des cervidés par l’attribution de plans de chasses aux nouveaux territoires. » 

*Espèces susceptibles d’occasionner des dégâts.