« Plongés dans un chaos multifactoriel »

Maraîcher à Cergy (Val-d’Oise), Vincent Duval est président du syndicat agricole de Cergy et administrateur de l’Union des producteurs de fruits et légumes. 

« On avait déjà la pénibilité du travail, les charges qui écrasent nos entreprises, des difficultés de trésorerie ou dans le recrutement de la main-d’oeuvre, plus récemment l’explosion des coûts de l’électricité et du gaz qui remettent en cause nos méthodes de production, et voilà que maintenant, la réforme des retraites nous tombe dessus. Je ne vous cache pas qu’il va falloir encaisser le coup car nous sommes plongés dans un chaos multifactoriel. 

J’ai commencé à travailler très jeune — je suis en carrière longue — et je projetais mon départ en retraite à l’été 2025, fier du travail accompli mais aussi désormais soulagé de la perspective de me libérer de mes tâches de chef d’exploitation. Il n’en sera rien. La nouvelle réforme va m’obliger à poursuivre mon activité au moins jusqu’en décembre 2026. Quelle perspective… Le coup psychologique est rude et les conséquences sont nombreuses. Pour céder mon exploitation, j’avais anticipé depuis deux ans avec l’arrivée de nouveaux associés pour leur transmettre progressivement. Le montage financier était calculé sur deux ans, pas sur cinq ! Cela va inéluctablement impacter la trésorerie de l’exploitation ainsi que l’ensemble des projets — rofessionnels et privés — de mes repreneurs. Le Président Macron n’est pas sur le terrain pour voir et mesurer ces conséquences ! 

Il en va de même pour nos salariés. Le maraîchage est un secteur à forte pénibilité. Comme je dis souvent, la terre est toujours aussi basse et les années passant, les caisses sont toujours les mêmes mais elles sont de plus en plus lourdes. À 55 ans, nos salariés sont usés. Je ne vois pas comment ils pourront aller jusqu’à 64 ans demain, et compte tenu de leurs profils, il leur sera difficile, voire impossible, à cet âge, de se reconvertir dans une autre voie professionnelle. C’est de l’ordre du fantasme, et de telles décisions feront sans nul doute exploser les arrêts maladie de longue durée… »