« Sauvons le rouge ! » 

 Agriculteur à Sonchamp (Yvelines), Luc Janottin est vice-Président pour l’Union des Yvelines et président de la commission environnement. 

 

 « Le constat de notre agriculture est partagé par tous. Nous adhérons à une Europe hyper réglementée et la France se croit obligée d’en rajouter des tonnes, les fameuses surtranspositions. Conclusion, nos coûts de production sont très élevés et les produits extérieurs bon marché affluent. 

Premier réflexe, souvent avancé par l’extrême-droite,  »fermons les frontières ». Rappelons que sur trois quintaux de blé que nous produisons, deux retraversent la frontière ou que nous ne fabriquons quasiment plus d’azote… Bien essayé, mais c’est une énorme connerie. 

Autre solution souvent pratiquée par les politiques, on va imposer aux autres nos propres normes de production (rires). Évidemment la France n’a strictement aucun pouvoir sur qui que ce soit, ni même sur l’Europe. Il y a un mois, Macron était contre la prolongation du glyphosate, la matière active a été réhomologuée pour dix ans ! Dans l’immédiat, ne demandons rien sur l’Europe (Pac, BCAE), visiblement ils ne savent pas faire. 

Dernière solution géniale de nos gouvernants : la montée en gamme. Nos charges sont très élevées mais on va produire du haut de gamme sur lesquels les consommateurs vont se jeter. Quelle imbécillité, aujourd’hui le budget alimentaire est la variable d’ajustement des finances des foyers. Moins de pouvoir d’achat, plus de poulet ukrainien. Chez Leclerc, presque plus de bio et beaucoup de viande argentine. 

On peut le prendre par tous les bouts, une seule solution se dégage : remettre l’agriculture française au même régime que les autres. Comme pour le cinéma il y a longtemps, il faut instaurer l’exception agricole en France. L’agriculture, avec ses produits un peu plus vitaux et stratégiques que des bagnoles ou des zincs, doit bénéficier de mesures d’exception. 

Le meilleur symbole de cette exception, c’est le GNR. Des générations de paysans se sont battues pour sauvegarder ce carburant détaxé à l’achat. Ne le brocardons pas pour faire du troc. Il faut sauver le rouge. 

Tout ce qui nous diffère de nos voisins, on supprime : la Redevance pour pollutions diffuses, la réglementation sur les cours d’eau, Écophyto 2030, la dernière cartographie sur les zones humides, les restrictions à la création de retenues, les ZNT riverains, la fiscalité agricole actuelle, la stratégie nationale biodiversité, etc. 

Le gouvernement peut supprimer quasiment du jour au lendemain toutes ces réglementations franco-françaises, les parlementaires de droite semblent d’accord, Bercy fera enfin des économies de fonctionnaires et les jeunes s’installeront à nouveau. Sauvons le rouge, le nouveau symbole d’une agriculture libérée. »